LE MISANTHROPE

« Et, parfois, il me prend des mouvements soudains,
De fuir, dans un désert, l’approche des humains. »
Acte I, Scène 1, v. 143-144

Et si… la comédie, lorsqu’elle touche à l’essentiel, devenait intemporelle ?

L’histoire raconte les amours contrariées d’Alceste pour Célimène, qui ne cesse de tourner en dérision son caractère ombrageux. Éperdument amoureux de la jeune veuve, Alceste se heurte à leurs différences fondamentales : il rêve de sincérité absolue, tandis que Célimène, bien qu’elle éprouve des sentiments pour lui, veut rester libre à tout prix. 

À travers ses personnages, Molière interroge la tension entre idéal d’authenticité et exigence de conformité sociale. Alceste, porte-parole d’une vérité brute et intransigeante, semble déconnecté des réalités humaines. Quant à  Célimène, figure féminine, farouchement en avance sur son temps, elle incarne une société du paraître, où la légèreté, la stratégie et l’adaptation sont nécessaires pour survivre. Mais la pièce dépasse les seules figures d’Alceste et Célimène ; elle déploie une critique fine des relations sociales dans un monde façonné par les apparences et les faux-semblants. L’auteur y explore l’hypocrisie mondaine, la quête de reconnaissance, les jeux de pouvoir et la difficile conciliation entre exigence morale et vie collective.

Quatre siècles plus tard, les alexandrins de Molière résonnent avec une ironie cinglante et lucide, une acuité troublante. Dans cette relecture affûtée, Anne Schwaller met en lumière les contradictions de notre époque : entre besoin de vérité et tyrannie de la transparence, quête de sincérité et artifice social, Le Misanthrope revêt une modernité saisissante.